Bouboule est mort
Je l'ai trouvé, gisant au pied de la maison. Que lui est-il arrivé ? A-t-il heurté violemment la vitre de la fenêtre en y voyant se refléter les arbres ? A-t-il été victime de Rouquin Pot de Colle ou un de ses comparses ? Ou est-il tout simplement parti de sa belle mort, m'a dit mon Amoureux, qui souhaitait me consoler. J'étais triste de penser que je ne verrais plus ce petit oiseau familier et curieux, qui m'accompagnait au potager et qui s'approchait si près de nous.
Il m'arrive de retrouver des oiseaux morts dans le jardin. Mais là, je ne me voyais pas le jeter, comme ça, dans la poubelle. Peut-être parce que je lui ai donné un nom...Bouboule. A cause de son allure rondouillarde.Un nom... ça donne une identité, ça fait sortir du lot...
Même si un ornithologue avisé m'a informée que le rouge-gorge que je voyais l'hiver n'est pas le même que je vois l'été.
Alors, j'ai retrouvé les gestes que j'avais enfant lorsque je trouvais le moindre animal mort. J'en ai fait des enterrements d'insectes, d'oisillons tout nu, tombés du nid ! A cette époque, je leur faisais même des petites croix en brindilles pour marquer l'emplacement.
Bouboule repose désormais dans un coin tranquille du jardin. Et j'ai installé une toute petite primevère là où il est. Sûrement que j'ai dû garder en moi une part de l'enfant que j'étais.
En plantant la fleur, il m'est revenu à l'esprit un conte d'Andersen (il a écrit des contes magnifiques), "La Pâquerette". Cette touchante et triste histoire d'oiseau et de fleur. Dans le conte, il s'agit d'une alouette et d'une pâquerette enfermées toutes deux dans une cage et oubliées là par deux enfants :
"...Si je pouvais le consoler ? ," pensait la pâquerette, incapable de faire un mouvement. Cependant le parfum qu'elle exhalait devint plus fort qu'à l'ordinaire; l'oiseau s'en aperçut, et quoiqu'il languît d'une soif dévorante qui lui faisait arracher tous les brins d'herbe l'un après l'autre, il eut bien garde de toucher à la fleur.
Le soir arriva; personne n'était encore là pour apporter une goutte d'eau à la malheureuse alouette. Alors elle étendit ses belles ailes en les secouant convulsivement, et fit entendre une petite chanson mélancolique. Sa petite tête s'inclina vers la fleur, et son cœur brisé de désir et de douleur cessa de battre. À ce triste spectacle, la petite pâquerette ne put, comme la veille, refermer ses feuilles pour dormir; malade de tristesse, elle se pencha vers la terre..."
Mais quelques heures plus tard, que voyais-je barbottant dans le jet de la fontaine ? Et oui, un rouge-gorge !